Soutenances

Renouf Nicole – Du déni de la mort à l’acharnement thérapeutique – Personnes agées en fin de vie

RÉSUMÉ
En France, une grande majorité de personnes âgées meurt à l’hôpital. Cependant, au regard des progrès de la science, le prolongement et le maintien en survie semblent devenir la priorité et la mission des soignants. Cet excès de mise en oeuvre de thérapeutiques lourdes risque de conduire à de « l’acharnement thérapeutique ». La mort semble avoir perdu son sens naturel et véritable. Dans notre société technologique, elle ne fait plus partie de la vie. Face au déni de la mort, le « vouloir guérir à tout prix » occulte la question de l’accompagnement. La question « du prendre soin » est ici, tout simplement, posée. Il est regrettable que seule la médecine palliative soit dans cet état d’esprit. Il appartient, en effet, à la médecine dans sa globalité de prendre en charge les patients dans le soin et le « prendre soin » même lorsque l’espoir de guérison n’existe plus. Chaque personne en fin de vie, qu’elle soit jeune ou vieille, a le droit de bénéficier d’une prise en charge respectueuse afin de mourir dans la dignité.

Bossis François – Les contraintes de fonctionnement en hospitalisation psychiatrique. Le bon soin est-il encore possible ?

RÉSUMÉ
Comme dans l’ensemble des spécialités médicales, les conditions d’exercice de la
psychiatrie hospitalière ont beaucoup évolué au cours des deux dernières décennies.
Dans un contexte de rationalisation et d’évaluation de l’activité fortement lié à un
cadrage des coûts de santé, les nouveaux outils d’organisation et de gestion des soins
tendent à les formater de telle manière que le temps passé auprès des patients se réduit,
de même que la disponibilité psychique des soignants pour les accueillir et les
prendre en charge. En regard de ces contraintes de plus en plus serrées, et après avoir
rappelé ce qui nous apparaît fondamental pour offrir des soins de qualité, nous tentons
de dégager des pistes de réflexion pour remettre la relation entre le soignant et le
patient au centre du processus thérapeutique. Nous insistons particulièrement sur la
place de la temporalité dans l’organisation des soins et sur la place de l’éthique dans
la pratique soignante au quotidien.

Bossis François – De l’importance de l’architectural dans une unité d’hospitalisation psychiatrique

RÉSUMÉ
Dès sa naissance, la psychiatrie a pensé l’architecture des lieux de soin comme un
outil thérapeutique, et cela a perduré dans le temps. Dans le champ de la
médecine, cette particularité tient au fait que les patients hospitalisés en
psychiatrie sont des patients debout, qui déambulent, qui ont besoin d’espaces
contenants et apaisants, contraignants parfois, qui ont besoin en même temps
d’espaces d’écoute et de rencontres, d’ouverture et de liberté. Construire de nos
jours une unité d’hospitalisation psychiatrique nécessite toujours d’interroger notre
conception de la maladie mentale, de mettre le patient au centre de nos
préoccupations en pensant aux modalités de prise en charge de celui-ci, à la
manière dont la configuration des lieux va pouvoir accompagner et favoriser le
processus et la qualité des soins. Nous développons l’idée qu’il existe une éthique
des espaces de soins au même titre qu’il y a une éthique de la pratique soignante.

Bergès Laurent – « Tu peux » L’activité partagée, mode de reconnaissance d’un homme psychotique

RESUME
Que peut-il être reconnu à celui à qui n’est pas reconnu l’usage de la raison ? La psychose fait effraction dans l’identité d’un homme, vient bouleverser sa pensée, son discours et sa conduite « il ne peut pas » au point d’hypothéquer sa place parmi les autres hommes, jusqu’à son invisibilité sociale. Selon le concept d’Anerkennung chez Hegel, l’homme ne peut se penser sujet que parce qu’il est reconnu comme tel par autrui. Ce n’est qu’ainsi reconnu et reconnaissant autrui de même qu’il pourra accéder à une autonomie potentielle. Nous référant à notre pratique d’ergothérapeute en psychiatrie de l’adulte et à la lecture des travaux d’Axel Honneth, nous ferons proposition qu’une
activité partagée peut être un possible mode de reconnaissance d’un homme psychotique : « tu peux ».
ILLUSTRATION DE COUVERTURE
(Lucian FREUD, Self Portrait (unfinished), 1956)
L’inachevé dirait-il l’inachèvement d’une identité toujours en quête de son entièreté ? La main se porte au visage comme pour en vérifier la réalité, estimant le grain et l’épaisseur de la peau, premier objet de la perception.
Le regard perplexe précède cette main puis l’accompagne, redoublant une expérience sensible – la vision et le toucher – devenue examen dérisoire d’une certitude de soi-même dont la vérité s’effrite. A hauteur du miroir nous sommes alors les spectateurs d’une angoisse
incommunicable, celle d’une réflexion qui, échouant à sa suture ouvre un peu plus l’abîme. Nous aurons ici retrouvé la situation familière d’un homme schizophrène tout à sa contemplation. Nous le reconnaissons, mais il peine à lui-même se reconnaître et revient sans cesse à son
œuvre propre : une image de soi qui le confirme.

Laccourreye Véronique – Le soin, l’éthique et les chiffres le soignant doit-il apprendre à compter ?

Bruce occupe une chambre, ou plutôt l’a-t-il occupée….
Il a quitté en urgence notre établissement de post-cure psychiatrique qui propose aux lycéens décrocheurs, soins et réarrimage scolaire.
Parti pour être hospitalisé dans un centre de santé mentale, il y a laissé des affaires personnelles et, du moins lui prête-t-on, l’espoir de revenir.
Accompagner au plus loin les incertitudes de Bruce, mus par la question du respect, n’est-ce pas rendre les Sarah/Amélie/Mathieu qui attendent, transparents à nos préoccupations prétendues éthiques ?
Plus généralement, revendiquer l’hégémonie de la bienveillance en accompagnant sans compter est-il encore éthique à l’heure de la raréfaction des ressources de santé ?
Ce travail vient finaliser une première année de Master 1 mention philosophie parcours « éthique médicale et hospitalière appliquée ». Il s’inspire des auteurs étudiés ou de lectures conseillées pour approfondir ce dilemme : comment répondre au besoin de soins dans un contexte d’offre limitée ? Faut-il privilégier la santé d’un seul au risque de soustraire le soin au besoin des autres ? Faut-il plutôt envisager de répartir la réponse pour le bien du plus grand nombre ? Y a-t-il une voie entre éthique individuelle d’égalité des chances et éthique collective d’attribution selon l’utilité ?

Le Reun Ronan – Les métamorphoses numériques de l’hôpital

La transformation numérique des établissements de santé s’est faite sur le
mode d’une succession de métamorphoses, et a créé une information sans papiers.
La métamorphose initiale de la technique, c’est-à-dire de la matière et de la forme,
a individué un objet technique, un ensemble au sens simondonien : le SIH, le
système d’information hospitalier. Face à ce nouvel êthos, les soignants ont du
repenser le sens de leur travail en intégrant trois ruptures majeures : la rupture avec
le passé, celle avec l’individualisme et enfin la rupture temporelle. La culture
soignante a ainsi commencé sa métamorphose vers une culture numérique qui
concentre les enjeux socio-politiques des établissements avec la migration de
l’information. L’information sans papiers, en circulant dans le SIH, évolue dans un
nouveau territoire dont la métamorphose des frontières rend difficile de définir ses
contours. Des frontières poreuses et qui protègent, tel est le paradoxe qui entretient
l’antagonisme entre confidentialité et accessibilité, entre information partagée et
information propagée. Le secret médical est entraîné à son tour dans une
métamorphose, pour renaître sur des fondations de relations transindividuelles. Il
revient aux soignants la responsabilité d’adopter leur manière d’être face à cette
information sans papiers, et pour cela, de définir une éthique du numérique dans cet
environnement de soins.

MarieB Guyot a soutenu sa thèse de doctorat en philosophie pratique le 27/01/2022

  Directeur de thèse: Pr Eric Fiat

Président du jury: Pr Pierre Magnard

Membres du jury:  Dr Bénédicte Lombard, Pr Folscheid,Pr Jean Luc Pierron, Pr Véronique Le Ru

TITRE DE SA THESE: Du toucher au tact: l'insaisissable de la main